Salut à toutes et à tous,
Le temps passe. Déjà 11 ans de forum et compagnie... Je lis les pannes et les ennuis des uns et des autres... Aujourd'hui, j'ai envie de me rappeler les galères... Pour tout dire, c'est ce bon Whiskas qui a allumé la mèche de l'inspiration cette nuit, avec tout ce qui lui arrive, jusqu'à récemment...
Je vais humblement raconter l'affaire 914... Pour ceux qui demanderont, car c'est arrivé, la part de vérité dans cette histoire, je dirai que tout est authentique, sinon, ce ne serait pas marrant...
On va y aller année par année, en espérant de ne pas faire de l'Higgins barbant... Facile, il suffit de reprendre le classeur de notes pour se laisser aller à un beau voyage... Beau, oui, avec le recul !
Déjà, le bonhomme que je suis a toujours aimé les autos, depuis tout petit. Mais, bon, entre les rêves et la réalité, on se retrouve souvent en autobus. Après les griffonnages de caisses sur les tables des écoles, arrive le premier boulot et les premiers salaires... A l'origine, je cherchais une Muréna, j'aimais bien son style tendu de petite Ferrari à la française et j'avais un ou deux souvenirs de course citadine sauvage nocturne, mais bon... Ah, si elle avait eu des feux ronds...
Mais, un jour de promenade belge, voici que je tombe en arrêt devant un véhicule à l'abandon, dans un garage de campagne. Basse, ailes élargies, toit escamotable: le flash. Mieux qu'une Muréna, en plus c'est une Porsche ! Une 914. On a beau dire, le blason, ça y fait quand même... Dès lors, c'est la recherche d'un modèle en meilleur état que l'épave visitée de loin au pays des frites: magazines (pas encore d'internet), revues lues à la sauvette à la civette de la gare, avec le patron qui me vire en gueulant... 30 francs le bouquin, c'est pas donné !...
En septembre 1995, je repère une 914, vert foncé, dans Flat 6. Je me rappelle aussi les PMA, elles passaient les 150 000 francs d'occasion... Je les trouvais franchement moches et lisais déjà des histoires peu marrantes sur la distribution... Comme quoi, les mythes, ça remonte à loin... Je me souviendrai toujours de mon premier appel téléphonique au vendeur de la 914, dans une cabine publique réservée aux mariniers, le long d'un canal...
Voilà donc cette VW-Porsche localisée à Montrouge, à quelques 200 km de chez moi. Un coup de R5 Diesel 1.6D et me voici arrivé. Première visite chez le monsieur, un type qui, en ce temps-là, me semblait "vieux", du bas de mon jeune âge... Bref, le look Jonasz, 50 ans environ, écharpe et gabardine. Une maison bourgeoise toute proche du périphérique. On se rend à son garage, un peu plus loin dans la rue. En sous-sol, deux 914, une 6, grise, selon mes souvenirs, et une vert foncé, une 4. Il vend la 4 cylindres pour cause d'achat de monospace. Comme quoi, la vie parentale a toujours été dangereuse, ce qui me l'a encore confirmé... Il m'assure que la voiture marche bien et me vante les factures récentes d'entretien. J'écoute et je rentre à la maison, toutes ces idées en tête...
Après ce premier contact, plusieurs appels téléphoniques. Par surprise, deux ou trois nouvelles visites parisiennes impromptues. J'appelle le vendeur depuis une cabine située en bas de chez lui pour un démarrage surprise de la voiture, histoire de ne pas le laisser souffler ou de ne pas me laisser enfler... Nous allons au garage et, chaque fois, la 914 démarre. Bruits et odeurs du bon passé. Je me penche sous la voiture, pas de fuite d'huile, tu parles d'une check-list de p'tit con... 46000 francs, seulement 8 smic, me dit le monsieur, en tapotant la carrosserie de l'auto et en s'appuyant encore sur les nombreuses factures d'entretien, avoisinant les 100 000 francs en quelques années de propriété, vous calculerez le nombre de smic... Je sais, à l'époque, le tarif pouvait sembler énorme, mais bon, on était jeune et fou... Ceci dit, nous étions en novembre et je n'avais pas la somme demandée...
Vient le mois de décembre. Je complète tout juste la somme souhaitée avec le dernier salaire de fin de mois... Je fais également patienter le vendeur, qui me met la pression en me disant que d'autres sont sur le coup... Tu parles... Le 23 au matin, je retire la quasi totalité de ce qu'il demande et je pars, en R5, en compagnie de ma soeur et d'un ami déprimé, à Montrouge, d'où j'entends bien ramener la 914. La soeur rentrait d'Angleterre, où la soirée fut, comment dire, enfumée et arrosée... L'ami sortait de dix jours de soins hospitaliers... Nous arrivons en début d'après-midi, temps maussade. Le monsieur me fait essayer la voiture dans les rues avoisinantes. Nous sommes trois dans l'habitacle, l'ami en dépression, le chauffeur et moi. Le vendeur prend d'abord le volant, "Les chevaux sont là, hein !", dit-il en accélérant franchement. Puis, mon tour, je fais alors craquer les vitesses et trouve le siège inconfortable, comme une barre dans le dos. "Ce n'est rien, dit le sosie de Jonasz, c'est la ceinture de votre imperméable qui fait ça... Certes".
En attendant, nous revoici assis autour de la table du salon de Montrouge. Le monsieur me présente des factures, un paquet en fait. Il insiste sur les frais récents: trains roulants, capteur de dépression, démarreur, optiques, freins, et, surtout, moteur neuf. Pour ce dernier, point de preuve, il faudra le croire sur parole, m'assure-t-il, je l'ai vu arriver dans une caisse en bois... Bref, je transpire et lui tends une enveloppe contenant 40 000 francs en liquide, "Voilà, tout ce que j'ai, 7 smic, pas plus...". Le monsieur parlait souvent en smic... Son unité de compte, ben, c'était du haut de gamme !...
Ok, fait-il, je sais qu'avec vous, la voiture sera entre de bonnes mains... Croyait-il si bien dire? Papiers signés, je prends possession de la 914, toujours du mal à passer les vitesses silencieusement et priant d'arriver à bon port sans tomber en panne. Aucun manomètre ou compteur de la console centrale ne fonctionne, mais bon... La vision, par la lunette arrière, est formidable. Je m'arrête à une station essence, avant de prendre l'autoroute et, déjà, les questions de curieux: "C'est un 4 ou un 6?". Le plein fait, je redémarre et gros bruit de raclement dans le compartiment moteur. Panique. Je demande son avis au copain déprimé, il me lance un regard hagard et je devine qu'il sera davantage un boulet qu'une aide... C'est ça quand on a bon coeur... Bref, la voiture roule et je ne m'inquiète pas outre mesure...
Dans la panique du gros bruit moteur, la pluie battante et l'inertie du dépressif, voici que je me trompe de chemin, descends vers le sud au lieu de remonter, et fais demi-tour à l'aéroport d'Orly. Ne riez pas, c'est pas marrant, ou peut-être avec le recul... Bref, ayant pris la nationale, nous arrivons très tard dans la nuit, avec une pause sur la place de Péronne, pour ceux qui connaissent. Le tout sous une pluie diluvienne de bout en bout. Comme au Mans, enfin l'arrivée, avec une soeur épuisée, après deux nuits blanches passées en Angleterre et, par dessus le marché, une traversée mouvementée de la mer du Nord. Elle rejoint son lit. Le copain, qui ne m'a été d'aucun secours, rejoint le sien et moi, n'ayant aucun moyen de stocker le véhicule, je passe la nuit dans la voiture, garée près du parc municipal. Jusqu'ici, ça va. Demain, la 914 couchera dans un parking fermé de la ville, tout est prévu. A savoir si le plan se déroulera sans accroc...
Au lendemain de ma nuit en 914 (bien spacieuse pour dormir, soit dit en passant) (et aussi pour le reste...), je loue une place pour trois mois en parking souterrain, au centre ville. Pratique pour faire un tour, je rentre avec la R5 et ressors en 914, puis manège inverse. Un des employés m'apprendra comment ouvrir la porte basculante sans voiture... Folie des premiers jours où, malgré le froid de l'hiver et le chauffage en panne, je roule toit enlevé avec une belle écharpe blanche qui flotte au vent, avec quelques insultes au passage, normal... L'air frais ne semble pas dégripper le déprimé, que je trimbale toujours avec moi... Je commence à constater les défauts de l'auto, un peu de carrosserie à refaire et des bricoles à revoir... Bon, tant que ce ne sont que des bricoles...
Ainsi se termine l'année 1995.